@ Photo by Clive Brunskill/Getty Images
C'est une sorte de séisme qui s'est abattu cette année sur le tournoi de Wimbledon qui a vu un nombre incalculable de tête de série éliminées, soit sur le terrain par des "petits joueurs", sur abandon ou même forfait. Parmi elles, des noms improbables comme Rafael Nadal battu pour la première fois au premier tour d'un Grand Chelem, Roger Federer battu pour la première fois avant les quarts de finales en grand chelem depuis 36 participations (soit 9 ans...) et la liste est encore longue avec Sharapova, Tsonga, Azarenka, Williams, toutes faisant office de favories pour le titre.
Pour certains, ces deux jours deux folies ont été vécus comme si la planète tennis tournait à l'envers... alors que peut être elle s'est remise à tourner dans le bon sens durant ce tournoi. En effet, cette régularité des meilleurs joueurs du monde à battre les joueurs plus modestement classés, cet enchaînement de tournoi du grand chelem sans surprises notables avant les quarts de finale pour les 5 ou 6 premiers mondiaux ne sont pas des faits "normaux" lorsque l'on parle de sport de haut niveau.
Dans le passé d'ailleurs, il n'était pas rare de voir de Pete Sampras, André Agassi, Stefan Edberg ou Boris Becker se faire sortir prématurément dans les grand tournois, même au meilleur de leur forme. Seulement, depuis ces dernière années, plusieurs modifications dans ces tournois et sur le circuit en général ont provoqué aujourd'hui une situation qui plonge le tennis dans une quasi certitude assez lassante pour le spectateur mais qui ravit l'organisateur de tournoi. Petit état des lieux.
Ces dernières années, le besoin d'encadrement du joueur de tennis professionnel a beaucoup évolué. En effet, nous sommes passé en 20 ans d'une structure basée sur un entraîneur, un agent avec parfois un préparateur physique à maintenant une structure comprenant pour les meilleurs joueurs du monde élargie avec un entraîneur, un préparateur physique, un kiné, un agent, un attaché de presse...
Seulement, cette structure coûte beaucoup d'argent, et de ce fait, seuls les meilleurs joueurs mondiaux peuvent se permettre d'avoir un encadrement optimal quand les joueurs moins bien classés ont déjà du mal à boucler le budget pour jouer sur le circuit. Difficile dans ces conditions de rivaliser...
Depuis quelques années, il y a un choix de la part des organisateurs de tournois d'uniformiser la rapidité des surfaces. Ainsi, le gazon est devenu moins rapide (à tel point que le gazon de Wimbledon est aujourd'hui moins rapide que les courts en dur de l'US Open ou de l'Open d'Australie), les surfaces rapides en indoor ont été ralenties, parfois même jusqu'à l'absurde.
De plus, quand cela ne suffisait pas, les organisateurs ont demandé à leur fournisseur un diamètre de balle légèrement supérieur pour diminuer la vitesse de la balle
Cette uniformisation a supprimé la notion de "spécialiste" pouvant battre n'importe qui sur une surface donnée et de ce fait, limite les surprises potentielles.
Dans les tournois, du grand chelem, les tableaux avec 32 têtes de séries ont été adoptés au lieu de 16 auparavant. Cette modification qui parait anodine au demeurant, est en fait un moyen particulièrement efficace de protéger les meilleurs joueurs du monde. En effet, rien n'empêchait il y a 10 ans une tête de série n°1 de jouer le 17ème joueur mondial au premier tour, le 18ème au deuxième et ainsi de suite.
Aujourd'hui, avec ces 32 têtes de série, les quatre premiers joueurs du mondes sont largement protégés au moins jusqu'en huitièmes de finale, ce qui explique.
Il ne faut pas se leurrer, le tennis est devenu un sport spectacle à part entière depuis quelques années, et pour assurer le suivi du tournoi par les spectateurs et surtout les téléspectateur, il faut des affiches « vendeuses ». L'idée de Guy Forget de donner une tête de série protégée à Nadal lors du dernier Roland Garros allait dans ce sens.
Entre un quart de finale Federer Nadal qui était annoncé en début de tournoi et un Janovitz – Kubot qui a pour en finir eu lieu dans cette partie de tableau, il est certains que le premier aurait assuré une audience exceptionnelle alors que le match des deux polonais s'est joué dans une indifférence quasi générale (même des médias) alors que pourtant le niveau de jeu était loin d'être mauvais.
De plus, les joueurs du top 4 aujourd'hui possèdent un nombre de fans très important. Seulement, ces fans pour la plupart se désintéressent totalement du tournoi une fois que leur idole est éliminé.
Cette fanatisation (que l'on trouve également dans le football) se fait au détriment du sport en lui même qui devient secondaire. C'est également contre ce phénomène que les organisateurs souhaitent lutter en assurant quasiment la présences des meilleurs joueurs du monde en fin de tournoi.
Durant ce Wimbledon 2013, le tennis a enfin repris ses droits en proposant une édition où certains des meilleurs joueurs et joueuses du monde ont été éliminés précocement. Espérons que cette vague de « folie » continue car protégeant de plus en plus les têtes d'affiche, les organisateurs de tournoi sont en train de créer un circuit assez morne en fin de compte et surtout où les droits élémentaires d'équité sportives.
Que dire par exemple de la décision l'année dernière de suspendre la demi finale de l'Us Open entre Djokovic et Ferrer alors que l'espagnol menait 5/1 dans la première manche et semblait bien mieux prendre la mesure du vent que le Serbe ? Comment expliquer cette décision alors que la première demi finale (qui a vu la victoire facile de Murray au détriment de Berdych) s'était jouée juste avant ?
Toutefois, en protégeant les joueurs « bancables », les autorités du tennis doivent faire aujourd'hui face à une nouvelle génération de supporter « fan » d'un seul joueur qui placent le tennis au second plan de leur préoccupation, et donc une clientèle moins fidèle et beaucoup plus versatile.
Un retour de bâton qui devrait faire réfléchir un peu plus les hautes instances du tennis sur l'avenir qu'il veulent assurer à leur sport.