Equipe de France de coupe Davis : une fin ou un commencement ?

Dimanche 23 Novembre 2014


@welovetennis

La finale de coupe Davis 2014 vient de s'achever avec la victoire de l'équipe suisse à Villeneuve d'Asq devant une équipe de France qui est passée par toutes les émotions durant les derniers jours. Au delà de la déception de la défaite (ou pour certains du bonheur de voir le saladier soulevé par Roger Federer), il est temps désormais d'essayer de faire un bilan de cette campagne de coupe Davis 2014 pour l'équipe de France car l'acharnement lié à la défaite dans certains médias, les accusations envers Jo Wilfried Tsonga d'avoir lâché l'équipe semble faire oublier le parcours réalisé jusque là.

Il n'est pas question de dire non plus que tout a été rose et à bien fonctionné, en particulier les deux derniers jours. Pour cette raison, je vous propose un bilan somme toute personnel de cette campagne.
 

Ne pas oublier le parcours qui a mené jusqu'à la finale

Ce parcours ne débute pas par le premier tour mais par une réelle claque prise en Argentine lors des 1/4 de finales la saison passée avec la défaite de Gilles Simon lors du 5ème match et quelques choix "particuliers" d'Arnaud Clément. Suite à ce match, une vraie prise de conscience semble avoir eu lieu au sein du camps français afin de se donner pour objecif commun de gagner cette compétition. Lionel Roux a d'ailleurs parlé dans une interview récente de tennis magazine de véritable "tarte dans la gueule". Révélateur...

Les bleus sont ensuite montés en puisance face aux Australiens au premier tour, avant de se retrouver en danger lors des 1/4 de finales en se retrouvant menés 2 à 0 après le premier jour. A ce moment, il y a eu une forte révolte au sein du groupe d'Arnaud Clément avec une belle solidarité qui a permis à l'équipe de France de l'emporter finalement 3/2.

Les demi finales ont été une sorte d'appothéose de la saison avec tous les éléments combinés pour faire une grande rencontre : un stade mythique (le central de Roland Garros), des joueurs surmotivés avec en particulier un Richard Gasquet incroyable de volonté et de détermination contre Berdych) et malheureusement pour les Tchèques le petit coup du sort avec la blessure de Stepanek durant le double. Durant cette rencontre, le public a été conquis par l'attitude des joueurs.


Le choix de la surface
 

C'est peut être la première erreur de l'équipe de France : choisir la terre battue, et surtout les raisons pour lesquelles la surface a été choisie : gêner les joueurs suisses qui revenaient du masters et leur laisser peu de temps d'adaptation. Seulement, il ne fallait pas oublier trois facteurs importants :

 - même s'ils sont capables de bien jouer sur cette surface, les deux meilleurs joueurs français (Tsonga et Monfils) ont des résultats plus réguliers sur surface dure rapide, à l'image de Gaël Monfil qui a poussé Federer aux 5 sets à l'US Open en se procurant deux balles de match, ou Tsonga qui l'avait battu en finale de Toronto. De plus, hormis ces deux joueurs, les autres français sont plutôt en dessous sur cette surface.

- Federer et Wawrinka sont loin d'être en difficulté sur cette surface le premier ayant gagné Roland Garros en 2009 et joué plusieurs finales, le second ayant gagné cette saison le tournoi de Monte Carlo.

- Les 3 dernières finales qui ont été jouées en France l'ont toutes été sur terre battue pour sensiblement les mêmes raisons (Etat Unis en 1982, Australie en 1999 et la Russie en 2002) et ont toutes été perdues. On sait désormais que la 4ème a suivi le même scénario...

Toutefois, comme disait Marc Rosset avant la rencontre concernant ce choix : "si les français gagnent ce seront des génies, s'ils perdent ils auront fait le mauvais choix"...
 

La route pour la finale

La saison des français s'est arrêtée après le tournoi de Bercy car aucun (si ce n'est Benneteau et Roger Vasselin qualifiés pour le masters de double), et mine de rien, cette période sans compétition a peut-être pesée dans la balance car les joueurs suisses quant à eux ont participé au masters avec la réussite que l'on sait et une demi finale d'anthologie. Cette compétition a permis à Wawrinka en particulier de remettre complètement son jeu dans le bon sens alors qu'il était un fantôme sur le court depuis le mois de septembre avec trois défaite de rang au premier tour et un tour passé à Bercy.

Cette coupure a t-elle été bénéfique pour les joueurs français ? Ce n'est pas sûr car une coupure de compétition de près de 3 semaines n'est jamais optimale avant une grand échéance comme une finale de Coupe Davis. Toutefois, elle a permis à Gaël Monfils de se remettre intégralement de ses blessures du début de l'automne.

Concernant le stage de préparation, n'a t-il pas été à un moment trop ouvert au public ? N'y a t-il pas eu à un moment une pression constante médiatique et populaire qui n'a jamais permis au groupe de s'isoler comme lors de la préparation de la finale de 1991 avec une préparation effectuée en Suisse chez Yannick Noah ?

C'est toute la difficulté de préparer une rencontre qui va se jouer en France...
 

Le battage médiatique et la polémique sur l'équipe suisse....

On touche sûrement un des points les plus importants de la semaine passée : l'importance donnée au média à cette rencontre, mais surtout pour de mauvaises raisons avec en particulier le clash présumé entre Federer et Wawrinka après leur demi finale et la blessure au dos de Federer qui l'a poussé à renoncer (par précaution ?) à la finale. Certains médias ont tenté de monter en épingle cette affaire en condamnant un peu vite cette équipe suisse.

En interrogeant de manière régulière les joueurs et le capitaine sur ces faits, les journalistes ont peut être posé le doute dans les esprits des joueurs et du staff de l'équipe de France. L'information est un droit, mais  comment se préparer en toute sérénité dans ces conditions ?
 

Le choix du capitaine : l'équipe

Etre capitaine de Coupe Davis, c'est faire des choix car une équipe ne peut composer que 4 joueurs. Dans le cas de Séverin Luthi le capitaine de l'équipe suisse, cet aspect  n'a pas du l'empêcher de dormir tant son équipe semble évidente avec ses deux piliers principaux et deux "roues de secours" en cas de problème. Pour Arnaud Clément, la situation est plus délicate avec beaucoup de joueurs potentiellement sélectionnables. Si Jo Wilfried Tsonga est le piler de l'équipe, la concurrence était rude pour les places suivantes avec Monfils, Gasquet, Simon pour les simples; Benneteau, Llodra et Edouard Roger Vasselin pour le double. Si le cas de Llodra a été réglé assez rapidement du fait de sa convalescence, il restait encore 5 noms pour 3 possibilités. Arnaud Clément a fait le choix de titulariser Benneteau, Monfils et Gasquet.

Cette sélection était ouvertement centrée sur Tsonga qui se retrouvait à devoir jouer les deux simples et le double, il l'a déjà fait par le passé avec succès, mais avec le risque de ne pas avoir de plan B en cas de blessure... Avec les dernières informations sur des douleurs ressenties par Jo Wilfried durant le stage de préparation, cette option était vraiment risquée. De plus, pourquoi se priver d'une des 4 meilleures paires de double au monde avec Julien Benneteau et Edouard Roger Vasselin, vainqueurs de Roland Garros cette année et demi finaliste du masters ? Il aurait effectivement peut être fallu de cette manière se priver d'une solution de rechange en simple en cas de soucis mais c'était offrir une vraie chance à l'équipe de remporter le point du double qui est souvent crucial.

Mais là encore ce ne sont que des suppositions, si la France avait soulevé la coupe aujourd'hui, Arnaud Clément aurait été encensé pour ses bons choix.

 

Première erreur : enterrer un peu vite l'équipe suisse

Discussion à première vue musclée entre Federer et Wawrinka suite à la demi finale du master, blessure au dos de Federer qui l'a empêché de préparer correctement la rencontre et de s'adapter à la terre battue, toutes les conditions ont été réunies pour croire cette équipe Helvète perdante avant même de débuter la rencontre. Seulement, il ne fallait pas oublier la qualité de jeu d'un Stan Wawrinka qui a produit un match contre Tsonga d'une belle qualité, mettant le français sous pression constante. Si la victoire de Monfils sur un pâle et hésitant Federer redonnait un peu de confiance aux français, le double a été le point clé du week-end.

En effet, en ramenant de Londres le coach des frères Bryan, la sélection suisse a vraiment fait de ce point l'une de ses priorités. Et cet apport s'est vraiment vu sur le terrain avec la mise en place de combinaisons très pointues alors que Federer et Wawrinka ne jouent quasiment jamais ensemble qui ont complètement perturbé les français, en particulier en retour de service. L'idée de prendre pour quelques jours un coach spécialiste du double montre vraiment que cette sélection suisse n'a rien laissé au hasard. Alors que l'équipe de France vit en autarcie en évinçant les coachs privés des joueurs, le choix de l'équipe suisse de s'appuyer sur des spécialistes a été payant...

Le deuxième effet de ce double a été de remettre complètement Federer dans la rencontre en lui permettant de prendre à la fois des repères sur le court, mais également de prendre une confiance importante pour la dernière journée
 

Deuxième erreur : les soucis de communication

Là encore le contraste est saisissant : en pleine tempête médiatique, la ligne directrice de la communication suisse est resté cohérente en permanence. L'équipe de France quand à elle a multiplié les bourdes :

 - attaque de Tsonga envers le public qui n'encourage pas assez les français à son goût. Sur cet aspect, il fallait bien être conscient que beaucoup d'amoureux de tennis souhaitaient que Roger Federer puisse soulever la Coupe Davis donc effectivement, le public a été moins enclin à encourager bruyamment ses joueurs comme il avait pu le faire en demi finale. L'aura du joueur suisse a réellement plané dans la salle sur ce week-end. De plus, pour que le public soit enthousiaste, il faut lui donner l'occasion de monter dans les tours. Or, la prestation livrée par le joueur français n'était pas suffisante pour créer l'étincelle.

 - la gestion de la blessure Tsonga avec en particulier des explications différentes de la part du capitaine, du DTN, avant que le président de la fédération, Jean Gachassin vend lui même la mèche de la blessure du joueur français... De plus, l'attitude de Jo le samedi sur le banc où il a paru complètement éteint et absent peut éventuellement cacher un mal plus profond. En effet, un joueur comme Gilles Simon n'a forcément pas apprécié d'être évincé du groupe alors que le n°1 français n'était peut être pas en état de jouer à 100%.
 

Troisième erreur : oublier la saison plus que moyenne de l'ensemble des joueurs français

C'est peut être le plus gros point noir de cette finale. Un finale de coupe Davis est toujours particulière mais elle reflète généralement l'état de forme des différents joueurs durant la saison passée. Et de ce point de vu là on ne peut pas dire que les résultats des joueurs français aient été transcendants durant cette année 2014 à commencer par Jo Wilfried Tsonga qui n'a pas connu de coup d'éclat si ce n'est sa victoire à Totonto, ce qui reste assez faible pour un joueur de son calibre pouvant prétendre au top 8 mondial.

La seule éclaircie a été le 1/4 de finale à l'US Open de Monfils avec 2 balles matchs contre Federer mais il ne faut pas oublier qu'il n'a plus joué pendant plusieurs semaines par la suite pour reprendre juste à Bercy... Richard Gasquet a traversé la saison sans réel coup d'éclat, et Benneteau a connu une belle saison en double mais assez pauvre en simple si ce n'est une énième finale perdue sur le circuit ATP.

De l'autre coté du filet, Roger Federer a connu une très belle saison à 33 ans qui l'a propulsé à la2ème place mondiale avec 2 demi finales en grand chelem, 1 finale, 1 finale de master, et plusieurs victoires en master 1000 et master 500. Stan Wawrinka quant à lui a remporté l'Open d'Australie, été 1/4 de finaliste de Wimbledon et l'US Open, gagné un Master 1000 et demi-finaliste au masters prenant au passage une nouvelle dimension dans le tennis mondial

Alors bien sûr l'histoire à montré parfois que des joueurs sortent de nulle part dans les grand rendez-vous pour faire gagner leur équipe. Nous avons deux exemples forts en France avec Henri Leconte en 1991 et Nicolas Escudé en 2001, mais ces deux joueurs étaient connus pour leur capacité à se transcender dans les moments important et les surfaces de jeu leur était favorables. Si Monfils semble avoir suivi cette voie, les autres semblent avoir été en corrélation avec le reste de leur saison.

 

Conclusion :

Même si le dénouement est triste pour l'équipe de France, le bilan à tirer de cette saison de coupe Davis est loin d'être noir. Avec des joueurs dans une forme parfois aléatoire, la France s'est frayée un chemin jusqu'à la finale ce qui a permis de sceller les bases d'une équipe solide. Arnaud Clément de ce point de vue là a parfaitement réalisé son travail de capitaine.

Toutefois, les trois derniers jours ont montré certaines lacunes dans l'organisation générale de cette équipe qu'il va falloir maintenant gommer, en particulier les soucis de communication qui devrait être bien mieux maîtrisée. De plus, cette finale doit également servir à une remise en question d'une partie de la presse française, spécialisée ou non, qui en souhaitant surfer sur les "affaires" au sein de l'équipe suisse puis sur "l'affaire Tsonga" a installé une ambiance néfaste au sport durant ces trois jours...

L'équipe de France doit se servir de cette expérience comme d'un tremplin, un peu à l'image de la déconvenue de la saison passée contre l'Argentine pour trouver de nouvelles ressources. Mais, il ne faut pas oublier que les joueurs qui la compose doivent également se remettre en question dans leurs propres carrières personnelles afin de pouvoir évoluer au plus haut niveau toute l'année.




 

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