Tennis et préférences motrices naturelles

Dimanche 15 Aout 2021
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L'objectif principal des articles de ce blog détaillant les fondamentaux technique a toujours été de montrer, en s'appuyant sur l'exemple des joueurs et joueuses de haut niveau, qu'il n'existe pas une seule et même façon d'effectuer un coup performant. Types d'appuis préférentiels, prise de raquette, plan de frappe plus ou moins avancé, plus ou moins éloigné du corps sont quelques exemples des variations que nous avons pu observer lors de la rédaction de ces articles. 

De la même manière, il suffit de regarder dès le plus jeune âge un groupe d'enfants courir pour observer différentes manières de se déplacer, et ce sans qu'il n'y ait d'apprentissage préalable : certains présenteront naturellement une course "tonique" sous forme de rebonds quand d'autres utiliseront une course plus linéaire, plus "tassée" mais pas forcément moins efficace. Sans en avoir conscience, ces enfants utilisent une course adaptée à leur préférences motrices naturelles.

Si la prise en compte de la morphologie du joueur puis sa latéralité permettaient déjà aux enseignants de tennis d'orienter leurs choix sur le plan technique, le développement de l'approche par préférences dans le domaine du sport, réalisé notamment par Cyrille Gindre (laboratoire Volodalen©) ou par Bertrand Theraulaz et Ralph Hyppolite (démarche Action Types©) permet de repousser les frontières de l'individualisation de l'entraînement physique et technique.

Les préférences motrices naturelles permettent de déterminer dans quelles situations le corps va être le plus efficace dans la production de force et dans l'économie d'énergie.

Cet article vous propose une présentation des préférences motrices naturelles et les conséquences dans la formation et le travail à privilégier en fonction du  profil du joueur, quelque soit son niveau de pratique.

 

1/ Préambule

Lorsque l'on parle de préférences motrices naturelles, il ne faut pas uniquement penser dispositions génétiques. En effet, si ces dernières entrent bien évidemment en ligne de compte, il convient également de prendre en compte l'environnement dans lequel le sportif a grandi, les apprentissages liés aux différents sports pratiqués, la morphologie et une part de... mystère !!

De plus, certaines préférences peuvent évoluer avec le temps, en fonction des incidents/blessures de la vie, du vieillissement engendrant une perte de la force musculaire ainsi que de la souplesse ou du fait d'un entraînement sportif très intensif.

Pour cette raison, il est important de connaître l'historique du sportif dont les préférences vont être testées
et de prendre conscience que ces tests vont révéler les préférences motrices à un instant précis de sa vie et de sa carrière.
 

2/ Terrien ou aérien

Si vous possédiez il y a quelques année une console Wii de chez Nintendo équipée de la Balance Bord,  l'appareil proposait d'analyser lors de la mise en route le positionnement de votre centre de gravité pouvant donner un résultat de ce type :



Pour la console et les concepteurs, on peut voir que le fait d'avoir un centre de gravité légèrement en arrière et à droite est un soucis qu'il convient de corriger. De la même manière, certains praticiens comme les kinésithérapeutes et les ostéopathes vont chercher à corriger ce genre de "déséquilibre" en s'appuyant sur une analyse sur plateforme stablilométrique. La norme est à l'équilibre "parfait" et donc centré, pourtant, il n'est pas rare de voir un sportif se blesser après une séance de ce style sans savoir pourquoi puisque son corps est "réajusté".

L'étude des préférences motrices naturelles par d'un postulat contraire : le déséquilibre observé n'est plus une anomalie mais une information précieuse sur le fonctionnement du corps.

 Il existe deux grandes possibilités d'initier le mouvement et de s'équilibrer, en terrien ou en aérien.

 - Terrien : trouve son équilibre sur l'arrière et initie le mouvement par le bas du corps. En station debout, les hanches vont avoir tendance à se situer en avant des épaules. En situation de course et de marche, on observe généralement un centre de gravité assez linéaire, une pose du pied en avant du corps par le talon avec déroulé, un temps de vol faible et une flexion assez importante des jambes.

 - Aérien : trouve son équilibre sur l'avant et initie le mouvement par le haut du corps (les épaules). En station debout, les épaules vont se placer légèrement en avant des hanches. En situation de course ou de marche, on observe une variation assez marquée verticalement du centre de gravité, une pose de pied sous le corps plutôt à plat voire sur l'avant pied, un temps de vol plus important et une flexion faible des jambes.

   
Crédit images : laboratoire Volodalen

Le terrien va essentiellement chercher à se déplacer de manière horizontale : il va pousser le sol derrière lui en utilisant prioritairement une action musculaire concentrique. L'aérien quand à lui va trouver de l'énergie dans le rebond grâce à une action pliométrique du bas du corps.

Les chaînes musculaires utilisées en priorité vont également différer en fonction de son profil :



@ www.methode-busquet.com

Ainsi, un sportif typé aérien utilisera prioritairement les chaînes musculaires d'extension et croisées d'ouverture. Un terrien au contraire utilisera la chaîne de flexion ainsi que la chaîne croisée de fermeture. Cette information est primordiale afin de personnaliser la préparation physique du sportif en fonction de son profil :

 - pour l'aérien, le travail prioritaire sera centré sur les étirements musculaires de la chaîne arrière, l'équilibre et gainage aérien, des rebond verticaux et horizontaux (travail pliométrique).

 - pour le terrien, les exercices proposés viseront en priorité à développer la mobilité, le gainage centré sur le centre du corps (autour des hanches), et des situations de poussées verticales et horizontales (travail concentrique)

Application pour le travail du joueur :

On peut parfois entendre qu'un coup aérien est joué en extension, les pieds décollés du sol alors que le joueur terrien va plutôt chercher à rester les pieds au sol.
Ce raccourci est totalement faux... On peut voir régulièrement des joueurs terriens comme Nadal et Raonic frapper leur coup en extension


Le fait d'être terrien ou aérien va déterminer la manière d'équilibrer le corps mais également la façon de produire de la force soit à partir de la poussée (terrien) soit à partir du rebond (aérien).

La position d'attention :

L'aérien va venir chercher son équilibre sur l'avant, le bassin en antéversion avec une flexion peut importante au niveau des jambes afin de privilégier le travail pliométrique par le rebond (Federer). Le terrien quand à lui va chercher son équilibre plutôt sur l'arrière, avec une flexion des jambes plus importante, le bassin en rétroversion afin de privilégier la flexion puisque la force va prioritairement provenir d'un travail concentrique (Nadal)

         

Lors de la frappe : Exemple du coup droit

On retrouve lors de la frappe la même différenciation au niveau de l'équilibre entre le terrien et l'aérien.

   

Chez l'aérien comme Roger Federer :

1/ la préparation va débuter par le haut en se grandissant
2/ la pose des appuis au sol qui vont être relativement courts pour favoriser le rebond 
3/ La phase de frappe avec grandissement vers le haut.

On peut noter à la fin du geste les épaules qui viennent se placer en avant du bassin, au dessus de l'appui avant ce qui est caractéristique de l'accompagnement chez le joueur aérien


    

   

Chez le terrien comme Rafael Nadal ou Serena Williams :
1/ la préparation avec le centre de masse qui descend pour favoriser la flexion
2/ la pose des appuis au sol avec un ancrage fort au sol, le centre de masse se situe en arrière ds appuis
3/ La phase de frappe où le joueur à projeter vers l'avant la raquette, la hanche et l'épaule. A noter que l'équilibre se situe toujours sur l'arrière des appuis.

Lors de l'accompagnement, le centre de masse se situe toujours sur le 1/3 arrière des appuis montrant encore une fois cette priorité du joueur terrien de s'équilibrer dans cet espace arrière.
 

3/ Associé et dissocié

Lorsqu'un joueur manque de longueur ou de vitesse de balle, un conseil souvent proposé est de chercher à plus ouvrir la ligne des épaules par rapport à celle des hanches afin de stocker de l'énergie en mettant en tension le haut du corps. En faisant cela, on demande au joueur d'augmenter ce qu'on appelle le facteur X, à savoir l'angle entre la ligne des hanches et celle des épaules.


@golfsciencelab.com

Si cette astuce peut parfois fonctionner, elle peut provoquer chez le joueur une perte d'allonge, de coordination voire même une blessure. C'est là que rentre en jeu la notion de motricité associée et de motricité dissociée.

Chez les associés, la ligne des épaules et celles des hanches fonctionnent en synergie. Le facteur X est généralement très faible même s'il est existant et le point de rotation se situe entre les 4èmes et 5èmes lombaires.

         


Chez les dissociés, les lignes des épaules et des hanches sont indépendantes. Le facteurs X est de ce fait plus prononcé et le point de rotation se situe sur la 8ème dorsale.

   

Ainsi demander à un joueur associé d'augmenter l'angle entre sa ligne des épaules et sa ligne des hanches pour gagner de la vitesse de tête de raquette risque de produire l'effet l'inverse avec une perte de synchronisation et un risque fort de blessure.
 

4/ Motricités large et axiale

Ces deux types de motricités sont indépendantes du fait d'être aérien ou terrien, associé ou dissocié. Certains personnes aiment amener les masses proche du corps (motricité axiale), d'autres préfèrent éloigner les masses de leur corps (motricité large).

Les joueurs présentant une motricité large va aimer agir dans l'espace latéral, un joueur présentant une motricité axial va préférer interagir dans le couloir devant lui.

Application pour le travail du joueur :

Dans la phase de préparation, l'éloignement de la raquette par rapport au corps en fonction de son profil permet d'équilibrer le corps et d'activer au maximum le tonus musculaire.



Chez un joueur possédant une motricité axiale comme Roger Federer, en préparation de coup droit comme en revers, le coude et la raquette reste très proche du corps ce qui montre une volonté de maintenir les masses proche de l'axe du corps.

   

Au service, on retrouve ce même fonctionnement avec une raquette passant très proche des appuis et restant dans l'alignement du corps.

A l'inverse, chez à joueur à motricité large comme Dominic Thiem, on observe cette tendance à éloigner la raquette du corps en préparation de coup droit et de revers :

 

Au service également, la raquette descend proche du corps dans un premier temps puis s'éloigne nettement du corps lors de la remontée.

   

 

5/ L’œil moteur

Dans un premier temps, il convient de distinguer les notions d'oeil moteur et d'oeil directeur :

 - oeil directeur : c'est l'oeil qui donne la visée de quelque chose qui ne bouge pas

 - oeil moteur : c'est l'oeil qui donne la visée d'un objet en mouvement.

Ils ne sont pas forcément différents mais au tennis, c'est l'oeil moteur qui nous intéresse particulièrement à la fois dans la prise d'information mais également au niveau des répercutions techniques et en particulier l'avancée du plan de frappe et la prise de raquette en coup droit.

En effet, il y a deux possibilités :

 - soit le joueur est homogène, c'est à dire que l'oeil moteur est du même coté que la main qui tient la raquette. C'est le cas de Stan Wawrinka :



Sur la photo, on peut observer les caractéristiques que l'on retrouve chez un grand nombre de joueur à latéralité homogène : Bras semi fléchi à l'impact, plan de frappe au niveau de l'appui avant et prise de fermée à extrême de coup doit (Wawrinka). Le coup droit va être réalisé prioritairement en rotation par un pivot de la raquette autour du coude.

 - soit il est croisé si l'oeil moteur est la main qui tient la raquette ne sont pas situés du même coté du corps. C'est le cas de Roger Federer :



Sur cette photo, nous retrouvons les caractéristiques les plus couramment observées d'un coup droit chez les joueur à latéralité croisée : frappe bras tendu ou quasi bras tendu, plan de frappe en avant des appuis lorsque cela est possible, prise de raquette entre semi fermée (Federer) et fermée de coup droit (Nadal par exemple). Le coup va être joué prioritairement en translation de l'arrière vers l'avant.

 

6/ Conclusion

Les préférences motrices sont un outils fondamental dans l'individualisation du travail du joueur et de son développement technique au tennis. Elles ont pour fondement de chercher à placer le sportif dans ses points forts moteurs afin de trouver de la qualité dans le geste produit mais également de limiter les blessures.

Bien évidemment, il n'est toutefois pas question d'imposer tel ou tel travail par rapport à un profil établi : la communication entre le joueur et l'entraîneur reste la priorité et il peut bien sûr arriver que ce qui fonctionne pour le plus grand nombre de joueurs présentant un type de profil, ne fonctionne pas pour le joueur que nous avons en face de nous. Les causes peuvent être multiples (expériences motrices antérieures, ancienne blessure, réflexe archaïques, etc...).

L'important est de mettre en avant la particularité de chaque joueur, de parfois les "décomplexer" de ne pas réussir à réaliser une consigne technique tout simplement parce qu'elle n'est pas adaptée à leur profil. L'étude des préférences motrices d'un joueur peut également montrer que ce qui peut être considérer au départ comme une erreur technique (selon les normes établies) est en fait une stratégie motrice parfaitement justifiée.

L'objectif est justement de mettre à mal cette notion de norme technique universelle pour enfin développer une nouvelle norme de l'individualisation technique et physique.

Note : Suite à une remarque concernant des droits d'auteur, cet article a été modifié et raccourci par rapport à sa version originale. Je m'excuse auprès de l'auteur concerné de la gène occasionnée.

La volonté de cet article est de tenter de sensibiliser les personnes qui le lisent aux préférences motrices qui sont aujourd'hui un axe majeur dans l'individualisation du travail technique et physique, ainsi que de donner envie éventuellement de suivre les formations qui, personnelement, m'ont vraiment ouverts un nouvel univers.

Informer est à mon sens important pour donner du sens au travail des personnes à l'origine de ce(s) concept(s) et de favoriser à ma modeste échelle à leur adhésion auprès du grand public.



Sources :

 - Formations préférences motrices niveau 1 et 2 pro du sport Laboratoire Volodalen

 - La Bible des préférences motrices Action Type, édition Amphora, 2021

 - www.methode-busquet.com





 

 

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Commentaires :

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  • votretennis dit :
    01/12/2021 à 23h 29min

    @ Pourin Antoine : Bonjour Antoine, Comme tous les articles du blog, c'est moi qui l'ai écrit suite à une formation Niveau 1 et 2 via le laboratoire Volodalen. Je reste à ta disposition par mail si tu le souhaites : votretennis@gmail.com Bertrand Camacho votretennis.org

  • Pourin Antoine dit :
    22/11/2021 à 12h 47min

    Bonjour, Pouvez-vous me dire qui est l’auteur de cet article cela m’intéresse beaucoup !? Merci beaucoup